Analogon : Max Masse (pensées pour Pierre Soulages)
La lumière phénomène physique immatériel, éphémère et insaisissable est à l’origine de la vie et le principe constitutif de notre relation avec les phénomènes visibles du monde. La lumière conditionne notre présence au monde et conditionne notre rapport à tout ce qui nous entoure, elle est la seule source de visibilité sa condition sine qua non p9
Promesse sans cesse renouvelée d’enchantements, la lumière a un pouvoir de révélation, physique d’une part, puisqu’elle est la condition nécessaire à l’homme pour voir, métaphysique d’autre part, car l’origine de sa création est mystérieuse et invisible. La fascination qu’exerce cette force naturelle sur les hommes est particulière et tient, entre autres, au fait qu’elle est aussi à l’origine des couleurs : notre œil ne perçoit la lumière qu’à travers ses effets colorés. Le feuillage des arbres et le ciel ne sont ni vert, ni bleu en eux-mêmes, c’est l’œil de l’homme qui traduit ainsi les effets colorés de la lumière sur les choses, qui nous les fait voir de telle ou telle couleur. Toute couleur appartient ainsi intrinsèquement à la relation entre notre système de vision subjectif et la lumière. p10-11
Soulages son matériau n’est pas la couleur mais la lumière. Son but n’est pas de communiquer ses états d’âmes mais de proposer des espaces de pleine liberté pour le spectateur p12
Le noir est une couleur violente qui incite à l’intériorisation… Nous percevons des valeurs chromatiques inattendues et fugaces, fluctuantes selon nos déplacements face aux toiles. Il ne s’agit pas d’une lumière représentée mais d’une lumière active créant un espace devant la toile et non plus seulement sur la peinture p 13
Dans les Outrenoirs la lumière semble sourdre de la substance même de la peinture, s’abîmer dans ses plus fines membranes et resplendir sur ses couches les plus denses … Le verre n’est plus transmetteur de lumière mais émetteur d’une clarté p14
La lumière nous trompe car, tandis que l’origine première du monde nous échappe, nous pensons voir et connaître le monde grâce au simple acte de voir p15
Le jour est un faux jour, non parce qu’il y aurait un jour plus vrai mais parce que la vérité du jour, la vérité sur le jour est dissimulée par le jour. En se fiant à ses sens et la perception du monde que la lumière lui offre, l’homme vit dans l’illusion de la vérité. Contre toute attente, l’obscurité semble être le lieu privilégié du surgissement de cette lumière intérieure. La lumière que PS aime, c’est la lumière qui vient du noir. Il s’adresse à votre obscurité. En vous privant cde ce que vous avez besoin, sa penture vous renvoie à votre être à votre obscurité. C’est un appel à la liberté. Une liberté de la lumière . Le noir possède intérieurement une lumière que l’on peut extérioriser. On est toujours dans l’absence/présence du noir et de la lumière : on ne voit jamais vraiment le noir, on ne voit jamais vraiment la lumière ; La lumière n’est pas « dedans » c’est à vous de la faire surgir p16-17
La lumière se transforme en lumière-matière, nous ne sommes plus devant une œuvre mais à l’œuvre… l’expérience que l’on fait de la lumière est saisissante, elle nous tombe dessus, nous retourne et nous change p17
Ce qui échappe aux mots, ce qui se trouve au plus obscur, au plus secret d’une peinture c’est cela qui m’intéresse
Sa peinture ne communique aucun sens, ne transmet aucun message et en cela elle nous appelle à nous retrancher en nous-mêmes, à nous mettre à l’écoute d’ne mystère, celui de notre intériorité, dans un silence qui n’est pas insonore mais murmure de l’indicible p18-19
L’intériorité, c’est être en présence de l’insondable p24
Dans mon cas, l’intériorité ne précède pas l’acte de pendre. Elle vient pendant p25
Je propose une chose que chacun vit à sa manière : qui il est, qui l n’est pas. L’expérience qu’il fait lui révèle celui qu’il est et aussi celui qu’il ne savait pas être.
Les mots amènent à la peinture mais reste sur le bord p29
Je travaille avec la lumière. La lumière telle que je l’emploie est une matière p37
Le noir est antérieur à la lumière. Avant la lumière, le monde et les choses étaient dans la plus totale obscurité. Avec la lumière sont nées les couleurs. Le noir leur est antérieur. Antérieur aussi pour chacun de nous, avant de naître, « avant d’avoir vu le jour ». Ces notions d’origine sont profondément enfouies en nous. Est-ce pour ces raisons que le noir nous atteint si puissamment ? p40
Dans les Outrenoirs, la lumière est à la fois mon instrument et mon matériau p42
Le mot qui désigne une couleur ne rend pas compte de ce qu’elle est réellement. Il laisse ignorer l’éclat ou la matité, la transparence ou l’opacité, l’état de surface, lisse, strié, rugueux… Il nous cache sa dimension et sa quantité. Une peinture entièrement faite, par exemple, avec un même pot de noir, est un ensemble vaste et complexe. De cet ensemble, dimension, états de surface, direction des traces s’il y en a, opacités, transparences, matités, reflets de la couleur et leurs relations avec ce qui les avoisine, etc. dépendent la lumière, le rythme, l’espace de la toile et son action sur le regardeur p43
Lorsque l’on regard mes tableaux ce que l’on voir c’est la lumière réfléchie qui vient du tableau vers celui qui regarde. Le regardeur se trouve dans l’espace du tableau. Il appartient complètement à l’œuvre. S’il la voit, il en fait partie p44
Outrenoir, ça désigne le champ mental atteint par le « noir lumière » p45
Il y a un rapport de cette peinture à l’espace et un rapport au temps car, dès que l’on se déplace, un instant avant, un instant après ce n’est pas le même p46
J’aime l’autorité du noir, sa gravité, son évidence, sa radicalité té. Son puissant pouvoir de contraste donne une présence intense à toutes les couleurs et lorsqu’il illumine les plus obscures, il leur confère une grandeur sombre. Le noir a des possibilités insoupçonnées et, attentif à ce que j’ignore, je vais à leur rencontre p50
La couleur fait très vite remonter à une sensation, je demande plus à une œuvre d’art p51
Dans cette peinture faite d’un pigment blanc, c’est l’ombre qui est mon instrument. C’est l’ombre qui me conduit dans ce travail, ce n’est plus la lumière. La lumière est toujours mon matériau, reflétée sans venir d’une couleur peinte ; l’ombre en fait certes partie mais c’est un autre champ mental p52
Une peinture est un tout organisé, un ensemble de formes (lignes, surfaces colorées…) sur lequel viennent se faire ou se défaire les sens qu’on lui prête. Le contenu de cet ensemble n’est pas un équivalent d’émotion, de sensation , il vit de lui-même p57
Dans la peinture, il faut qu’il y ait quelque chose qui échappe, qui ne s’analyse pas. Si tout est connu, pourquoi peindre ? Quand on est en attente de quelque chose de précis, c’est qu’on l’a déjà trouvé. Ce qui me plait, c’est de rencontrer l’inconnu là où l’on pensait qu’il n’y était pas p58
Ce que je suis en train de vous dire n’est autre que l’éloge de l’inattendu p59
Dans la peinture, il faut qu’il y ait quelque chose d’inattendu, que l’on ne soupçonnait pas. Il faut savoir être attentif à ce qui, apparemment, n’a pas d’intérêt p62
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