29 oct.3 min de lecture

Intuition de l'objet trouvé et création

Crédit photo : Florence Martinis Analogon : Max Masse

2022 Jean-Christophe Bailly "La photographie : mais de quel art s'agit-il ?" https://www.youtube.com/watch?v=v3xPQe6QGPU

Depuis un an je crée environ 10% de mes analogons avec des photos que je n'ai pas faites et, bien sûr, avec l'accord de leurs auteur(e)s. Trois femmes principalement , au regard photographique très différent sont devenues mes muses de l'intuition. A chaque fois, c'est le même scénario, alors qu'elles publient quasiment tous les jours sur FB ou Insta, voilà qu'il en apparait une que j'ai immédiatement envie de travailler. Nous avons un "code", et suite à mon message elles m'envoient le fichier si besoin (en fonction de la qualité attendue).

Ce processus mystérieux vient d'être grandement éclairé par la conférence de Jean-Christophe Bailly dont j'ai retranscrit les 20 dernières minutes pour tous mais en particulier les collagistes.

Ce qui m’intéresse c’est l’action qui préside au collage avec l’exemple de Karl Schwitters penseur et théoricien du collage. KS était en vacances avec Hans Arp au bord de la mer et Arp n’arrêtait pas de venir vers lui en lui tendant des bouts de bois ou des galets. Mais ça ne marchait jamais pour en faire quelque chose. « Ce que je cherche, je ne pourrai pas le dire mais à chaque fois que je le trouve je sais que c’est pour moi et que pour moi ». KS dit qu’« il y a quelque chose entre l’objet ramassé, la chose ramassée et moi qui n’existe que de cette manière et une seule fois et c’est non reproductible ». Il y a dans chaque existence d’objet un poison et un talisman. Il y a dans l’objet un message qui est contenu et qui s’adresse à une personne = le ramasseur.

Et si on rapporte ça à la photographie. J’ai toujours comparé la photographie a des copeaux. Quand on rabote une planche, on fait des copeaux. Sauf que la photographie est un rabotage extraordinaire parce que le copeau existe mais rien n’a été enlevé à la planche c’est-à-dire au réel.

Si on prend l’imageable (tout ce qui peut faire image), il n’y a pas de hiérarchie mais il y a quelque chose qui va demander à être imagé.

Etre photographe, ce n’est pas prendre une photo, c’est reconnaître l’appel qu’il y a dans le réel tel qu’il apparait ou tel qu’on l’a bricolé.

La création doit apprendre à destituer pour être convertie en une pure écoute

L’erreur consisterait à décider d’avance du réglage des intensités et d’abord parce que l’intensité survient, elle n’est pas réglable ; même que la photographie relève d’un long travail préparatoire et d’un suivi technique complexe.

Dans toute image photographique, il y a une communauté de substance de toute image avec toute autre image : le caractère infra mince, le rapport présence/absence, le caractère de césure temporelle, l’arrêt sur image ; on les retrouve à chaque fois quel que soit le caractère technique de l’obtention

Charge ensuite aux artistes photographes de trouver le point de rencontre exact entre un angle, une surface et un sujet

La photographie plasticienne est le résultat d’une « volonté » d’art (Aloïs Riegl) cherchant à s’éloigner des pratiques et de l’ambiance sociale. Dans la volonté d’art nous retombons forcément sur le danger d’une intentionnalité dévastatrice. A ce danger nul n’échappe. Comment s’émanciper de toute instrumentalisation ? Comment intentionnellement se débarrasser de l’intention ? C’est sans doute là la grande question de la photographie et, peut-être, de l’art en général

W Benjamin pour nommer cette part échappant à l’intention parle de cette petite étincelle de hasard d’ici et de maintenant grâce à laquelle le réel a pour ainsi dire brûlé un trou dans l’image.

Cette tenue de la photographie en elle-même qui la protège de l’art et la rend à son étrangeté première, elle continue d’être possible et se confond à une errance.

La photographie erre sous l’imageable. Ce mouvement vers l’inconnu est à la fin ce que le silence de la surface photographique a toujours eu à côtoyer et à accueillir